A quand une taxe sur le CO2 des autos ?
Depuis mai, les concessionnaires sont obligés d'afficher une étiquette indiquant le niveau de pollution des véhicules (classée de A à G). Tous ne s'y plient pas. L'arsenal réglementaire pour lutter contre le réchauffement climatique pèse insuffisamment face au goût du public pour les gros modèles.
Ce serait un moyen d'inciter les automobilistes à préférer les voitures sobres. Cette mesure arrangerait les constructeurs français.Avec l'étiquette énergie-CO 2 obligatoire sur les voitures neuves depuis mai 2006, l'acheteur choisit désormais en connaissance de cause. Plus le véhicule consomme de carburant, plus il émet de dioxyde de carbone (CO 2 ), gaz à effet de serre considéré comme responsable du réchauffement climatique. C'est un début. Il en faudra sans doute davantage pour convaincre la majorité des automobilistes de préférer des voitures sobres.
La tendance est toujours aux véhicules lourds et puissants, même si les 4 x 4 commencent à être mal vus. L'Association des constructeurs européens (ACEA) affirme que, si les émissions de CO 2 des voitures diminuent moins vite que prévu, c'est parce que les clients « demandent des voitures plus grandes et plus sûres ». C'est dédouaner un peu vite la responsabilité des constructeurs...
Politiquement délicatChef du département transport de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), Patrick Coroller estime que « l'objectif qu'ils avaient pris d'atteindre, en 2008, une moyenne de 140 grammes de CO 2 émis au kilomètre, ne sera pas tenu ».
L'idée d'incitations ou de pénalités financières est en gestation depuis longtemps. Ministre de l'Écologie en 2004, Serge Lepeltier avait rêvé d'un système de bonus-malus qui traduise les émissions de CO 2 . Les amis de la vitesse et du cheval vapeur s'étaient aussitôt dressés. Les parlementaires avaient recalé le projet. Beaucoup - et pas seulement les militants écologistes - pensent qu'il faudra pourtant en venir à une fiscalité sur le dioxyde de carbone, si on veut retrouver une tendance vertueuse.
Les constructeurs, eux-mêmes, sont prêts à en faire leur cheval de bataille. « Avec les autres constructeurs européens, réunis au sein de l'ACEA, affirme Luc Bastard, délégué à l'environnement à la direction des affaires publiques de Renault, nous sommes tous d'accord pour le dire : nous avons besoin que la fiscalité sur les véhicules soit harmonisée en Europe et reflète beaucoup mieux les émissions de CO 2 . Il faudrait arriver à ce que le consommateur soit plus conscient des performances environnementales. » Quelle forme pourrait prendre cette fiscalité ? Taxe sur le prix d'achat des véhicules ? Carte grise majorée, comme c'est appliqué aux gros pollueurs, depuis juillet ? Vignette annuelle sur le modèle de celle qu'on a connue des décennies durant ?
Les atouts des françaises« En toute rigueur, reconnaît Luc Bastard, la meilleure fiscalité sur le CO 2 , c'est celle qui s'applique à la consommation de carburant. » Si c'est la pollution qu'on veut taxer, ce serait, en effet, la plus juste : une Ferrari qui ne sort pas du garage consomme et pollue moins qu'une Clio constamment sur la route. « Mais il y a une dimension sociale très complexe. Politiquement, on sait très bien que ce n'est pas vendable, juge ce lobbyiste chevronné. Les constructeurs disent : ce qui paraît le plus cohérent, c'est une fiscalité annuelle, sur le modèle de la vignette. »
Un tel système aurait l'avantage, pour les constructeurs, notamment français, de mettre en valeur les bonnes performances de leurs voitures. En ce qui concerne les émissions de CO 2 , Peugeot-Citroën et Renault figurent aux premiers rangs avec une moyenne de 144 et 146 g au kilomètre pour l'ensemble de leurs gammes. Pour arriver à ce résultat, ils ont beaucoup travaillé, en particulier sur l'efficacité des moteurs. « Chez Renault, souligne Luc Bastard, 50 % de nos dépenses de recherche vont sur des thèmes environnementaux : CO 2 , polluants, recyclage... » Malheureusement, déplore-t-il, « aujourd'hui, l'acheteur de véhicule neuf est d'abord motivé par le prix d'achat, la sécurité et le confort ».
A l'inverse, Toyota, qui mange régulièrement des parts de marché et se pose en modèle écolo avec sa Prius hybride, affiche 161g/km de moyenne pour ses modèles vendus en France. Soit 10 g de plus que la moyenne nationale. En clair, résume Manuel Gomez, le président du Comité des constructeurs français (CCFA) « Il est beaucoup plus efficace de réduire de 20 % les émissions de la majorité des véhicules en circulation que de réaliser des progrès spectaculaires sur des modèles à la diffusion marginale ».
Serge POIROT. © Ouest-France Multimédia