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 Comment nos chips font disparaître forêts et orangs-outans

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Toinou
Spécialiste de l'Agenda 21
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Toinou


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Date d'inscription : 29/12/2006

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MessageSujet: Comment nos chips font disparaître forêts et orangs-outans   Comment nos chips font disparaître forêts et orangs-outans EmptyMar 2 Sep - 19:50

L'huile tueuse

Elle envahit l'agroalimentaire et les cosmétiques. L'huile de palme est le nouvel or vert. En Indonésie, ses plantations ne cessent de s'étendre, détruisant au passage la jungle et sa faune. Enquête sur un désastre écologique

De notre envoyée spéciale à Bornéo, Doan Bui

Selon une légende de Bornéo, les orangs-outans étaient des humains qui avaient été transformés en animaux, puis chassés dans la jungle. Orang hutan - le mot vient du malais - veut dire d'ailleurs «homme» (orang) de la «forêt» (hutan). Aujourd'hui, ces «hommes de la forêt» sont chassés par d'autres hommes. A Bornéo, leur foyer, la jungle, mystérieuse et luxuriante, «parfumée comme une fleur et sombre comme un tombeau» selon l'écrivain Joseph Conrad, est tailladée, déchiquetée, engloutie sous le feu ou par les bulldozers. A la place se dressent désormais des plantations sur des centaines de milliers d'hectares. Des palmiers à huile alignés au garde-à-vous, comme un immense échiquier vert. Voraces, ils ont avalé tous les arbres. Les orangs-outans sont condamnés à une mort certaine. Les poches de forêts épargnées qui leur servent de refuge sont trop petites pour assurer leur subsistance. Alors qu'à Sumatra ils ne sont déjà plus qu'une colonie de survivants, 5 000 individus au mieux, à Bornéo, il en resterait encore 55 000. Mais au rythme où va la déforestation - avec 2% de sa forêt perdus chaque année, soit près de 2 millions d'hectares, l'Indonésie a gagné sa place dans le «Guinness Book» -, l'espèce est menacée d'extinction d'ici à 2020, selon Greenpeace. Le même péril guette le tigre et le rhinocéros de Sumatra, les gibbons et un nombre incalculable d'espèces animales.

Mais que pèsent la biodiversité et quelques singes face à cet or vert ? L'huile de palme est partout (voir encadré p. 97). Depuis dix ans, elle envahit l'agroalimentaire, ingrédient phare des chips, biscuits, pâtes à tarte, plats cuisinés : en gros, tous les produits susceptibles de contenir des graisses. Elle est également omniprésente dans les cosmétiques, les shampooings, les détergents... Entre 2000 et 2006, le montant des exportations de cet oléagineux a ainsi doublé. Et devrait encore exploser. Depuis deux ans, la folie des biocarburants a embrasé la planète. Faisant flamber l'huile de soja, de maïs. Et surtout l'huile de palme, l'une des plus compétitives : par rapport au soja, au tournesol ou au colza, le palmier à huile, dont les fruits peuvent être récoltés plusieurs fois par an, est de loin la plante la plus productive. Résultat ? Son prix a doublé en un an, passant à 800 euros la tonne. «C'est comme la bulle internet. Il y a une floraison insensée de projets biodiesel. La directive européenne d'atteindre une consommation de 10% de biocarburants dans le transport est absurde : il faudrait dans ce cas raser la France et n'y planter que du tournesol. Avant, nos prix étaient déterminés d'après les saisons, les récoltes. Maintenant, ils sont indexés sur ceux du baril de brut», dit Olivier Meurzec, PDG de KLK, l'un des leaders du secteur en Malaisie. En ce moment, pour KLK, les affaires sont florissantes : ««We laugh when we go to the bank» (Nous rigolons quand nous allons à la banque), comme on dit. Le cours de l'action a été multiplié par trois. Mais dans l'histoire, c'est le consommateur qui est perdant.» Pour les Indonésiens, mais aussi tous les habitants des pays d'Asie, l'huile de palme, utilisée pour la cuisine, est primordiale, vu que toute la nourriture est frite. Autre conséquence indirecte : l'appétit des investisseurs pour défricher de nouvelles plantations, encore et toujours, se fait au détriment des cultures vivrières, riz, maïs... Et aux dépens évidemment de la jungle. «C'est un drame pour beaucoup de villageois, qui tiraient leur subsistance de la forêt en chassant, en cueillant les fruits. Pour les Dayaks, ces bois sont sacrés, intimement liés à leur culture et à leur religion. Vous les coupez, vous tuez leur identité», dit ainsi John Bamba, de l'Institut de Dayakologie, qui défend la culture des Dayaks. En dix ans, la surface des plantations a doublé, atteignant 10 millions d'hectares si l'on compte celles de la Malaisie, l'autre grand producteur. Et on prévoit des plans d'expansion de 20 millions d'hectares pour la prochaine décennie ! Avec en ligne de mire, outre Bornéo, d'autres îles de l'Indonésie, comme la Papouasie occidentale. Chanee, un jeune Français (voir encadré p. 96), essaie de sauver les gibbons et d'autres animaux menacés par le saccage de leurs habitats : «Une campagne gouvernementale a été menée contre l'abattage illégal d'arbres. Les compagnies forestières ont dévasté les forêts, mais au moins elles ne coupaient que les beaux arbres. Aujourd'hui, ce qui se passe est mille fois pire. Tout est rasé. L'équilibre de la biodiversité est complètement chamboulé. Plein de prédateurs sont morts, entraînant une prolifération de rats : les plantations importent des cobras d'Afrique du Sud pour les éliminer...» Les habitants, eux, paient déjà les conséquences du changement brutal de leur écosystème. «Avant, les pluies étaient absorbées par les forêts. Avec les palmiers, le sol s'est érodé et l'eau n'est plus absorbée, explique Amir Ynanto, du village de Mega Timur. On a maintenant des inondations trois fois par an.» Sans compter les fumées qui empoisonnent l'air des mois durant, provoquées par les feux de forêt. «En 2006, la saison sèche a été longue, aggravant les incendies. On n'a pas vu le soleil pendant cinq mois. De toute façon, ici, dès août, on doit porter des masques», dit Nordin, de l'ONG Walhi-Friends of the Earth.

En quelques années, l'Indonésie est devenue le troisième pays émetteur de gaz à effet de serre, derrière les Etats-Unis et la Chine, avec 4% des émissions mondiales, pour 0,1% de la surface de la planète. Le bilan est d'autant plus lourd que bon nombre de plantations se sont installées sur des zones de tourbières, qui contiennent trente fois plus de carbone qu'une forêt humide normale. Selon une étude du magazine «Science», il faudrait... 840 ans aux biocarburants tirés des plantations sur tourbières pour effacer leur dette en carbone !
Dans sa somptueuse villa aux innombrables pièces, fauteuils en bois précieux et tentures dorées, Ilham Assuni peste contre les ONG et leur «désinformation». «Elles sont payées par le lobby concurrent de l'industrie de l'huile du soja ! C'est un danger pour notre compétitivité. Regardez le Vietnam, le Cambodge : eux aussi se mettent à l'huile de palme, et personne ne leur dit rien.» Comme beaucoup de businessmen, il s'est lancé dans le lucratif secteur de l'huile de palme il y a cinq ans. Discret sur ses profits, il explique qu'il a également des subventions du gouvernement. Il n'est pas le seul à bénéficier de ces largesses. Très important fournisseur d'Unilever, Wilmar, l'un des principaux acteurs du secteur, propriété de Robert Kuok, l'homme le plus riche d'Asie et la 104e fortune mondiale selon le magazine américain «Forbes», est mis en cause par plusieurs ONG pour sa politique de déforestation. Cela ne l'empêche pas d'être lui aussi chouchouté par les autorités locales et la Banque mondiale... En Malaisie et en Indonésie, les gouvernements sont de fervents partisans de ce nouveau business qui ramène tant de devises : pour contrer les ONG, une campagne de lobbying en faveur de l'huile de palme a même été lancée. Son slogan : «L'huile de palme va apporter la prospérité, créer des emplois.»

Pourtant, ce n'est pas exactement ce qu'ont vécu les villageois du district de Sanggau, dans l'ouest de l'île, l'un des premiers endroits où se sont installées les plantations. Icin, maître d'école, s'en rappelle comme d'hier. C'était en 1980, à l'époque du dictateur Suharto. «Les militaires sont venus et ils nous ont obligés à céder nos terres; deux dollars l'hectare. Ils ont tiré sur mon oncle pour l'intimider. Il est parti. Moi aussi. Aujourd'hui, nous avons tout perdu. Nos plantations de riz, de caoutchouc. Aujourd'hui, notre ancien village est encerclé par les plantations qui grignotent les jardins potagers. La rivière où l'on pêchait est polluée par leurs pesticides.» Icin habite en ville, maintenant. Il a subi de plein fouet la crise alimentaire. «Je n'ai plus de rizières, alors je suis obligé d'acheter du riz. Du riz importé de Java, car on n'en produit plus assez ici. Et comme les prix ont doublé, c'est dur.» A Sanggau, le palmier à huile a tout dévoré. C'est l'un des seuls endroits dans l'île où l'on peut voir ce paysage fantomatique : des hectares d'arbres blanchâtres semblant sortis des Enfers, spectres poussiéreux ployant sous leurs palmes fanées et grises. Ces arbres sont morts. Au bout de vingt- cinq ans, les palmiers à huile deviennent improductifs. On les pique alors au Roundup, le célèbre herbicide de Monsanto, en attendant qu'ils meurent. Puis on les brûle. Il faut alors tout replanter. «Personne ne nous l'avait dit. La compagnie m'a tout pris et ne m'a laissé que deux hectares de palmiers qui sont maintenant trop vieux pour produire des fruits, dit Cion, fermier. Où trouver l'argent pour tout replanter ?»
Cion a monté un syndicat pour fédérer les paysans en colère. Aujourd'hui, on n'est plus à l'époque de Suharto et des baïonnettes. Mais les entreprises ont trouvé d'autres moyens d'accaparer les terres. En faisant miroiter des profits futurs, des emplois... En 2000, Matius a ainsi accepté de céder son terrain pour 50 dollars. «Je croyais que c'était juste un prêt, ils m'avaient dit qu'on partagerait les profits, qu'ils s'occupaient de reconvertir mes terrains, que je pourrais envoyer les enfants étudier en Amérique. Je n'avais rien à faire. Juste attendre, signer le papier, et en plus ils me donnaient un job régulier dans la boîte.» Le job en question, gardien de sécurité, était payé deux euros la journée, le salaire moyen d'un travailleur dans une plantation. Matius se trouvait déjà chanceux d'avoir dégoté un poste dans l'entreprise. Ici, les sociétés préfèrent employer des ouvriers qu'elles ont fait venir de Java ou d'autres îles. Les migrants vivent sur la plantation, dans des baraquements ouverts, avec des toiles en plastique en guise de toit. Coupés du monde. Pas de risque de se syndiquer comme l'a fait Matius. Mal lui en a pris. Il a été viré. Il continue de se battre pour récupérer ses terres.

L'ONG Sawit Watch dénombre 513 conflits opposant les communautés locales et les entreprises d'huile de palme. Mais dans le bras de fer entre petits paysans et planteurs, la bataille est perdue d'avance. Les autorités locales ? Elles soutiennent évidemment les compagnies aux poches suffisamment garnies pour faire pleuvoir les pots- de-vin. Tout est bon pour vaincre les réfractaires. Une manifestation de fermiers, le mois dernier, a été réprimée par la force, faisant une victime. Les ONG, elles, parlent d'intimidations menées par des «gangsters», les gros bras employés par les entreprises. «J'ai reçu des coups de fil anonymes, on me disait de prendre garde, que mon fils était tout petit», témoigne Nordin, de Walhi. Victorius Deddis a appris à ses dépens qu'il ne valait mieux pas se mettre en travers du chemin des planteurs. Ses traits encore empreints d'une grâce juvénile disent son âge, 28 ans, mais sa voix, sombre, rauque, qui laisse tomber les mots avec une rage contenue, est celle d'un homme qui en a trop vu. Victorius venait juste d'avoir un bébé quand il a été emprisonné pendant cinq mois. Vingt policiers sont allés le cueillir chez lui. Le motif : «récolte illégale». «Je n'ai pris que les fruits de mes terres ! Ce sont eux qui nous ont tous volés. Ils ont brûlé pendant la nuit nos plantations de caoutchouc et écrasé aux bulldozers nos rizières et nos forêts.» Victorius a pu sortir de prison. En échange d'une amende de 200 dollars. Une somme énorme pour lui, l'équivalent de plusieurs mois de récolte.
La bataille des ONG commence cependant à porter. La RSPO, une table ronde pour promouvoir une huile de palme «durable», a été créée en 2004, rassemblant associations et industriels. Unilever, l'un des principaux utilisateurs, menacé de boycott par Greenpeace, s'est engagé à n'utiliser plus que de l'huile de palme durable d'ici à 2015. «Il n'y a plus de destruction de la forêt primaire, chez nous en tout cas. On se ferait tomber dessus à bras raccourcis», jure Olivier Meurzec. Tout en reconnaissant que du côté des sociétés indonésiennes il ne sait pas trop ce qui se passe. Certes, le gouvernement central assure être vigilant sur la question. Mais sur le terrain ce sont les autorités locales, bien plus arrangeantes, qui font la loi. De fait, personne ne sait encore qui va vérifier qu'une plantation «durable» l'est effectivement... Il y a urgence. Le temps que vous lisiez cet article, une forêt grande comme 100 terrains de football sera coupée ou partie en fumée.



Doan Bui
Le Nouvel Observateur
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