Cette province du sud de la Serbie va connaitre une série de festivités ce dimanche. Une déclaration d'indépendance devrait être lue à haute voix au Parlement.
C'est une journée historique pour les Albanais du Kosovo. Dix ans après l'envoi des troupes serbes pour écraser la rébellion, la province s'apprête à proclamer son indépendance dimanche 17 février en un geste audacieux qui signera la création d'un nouveau pays dans ce coin d'Europe longtemps ensanglanté par de violents conflits ethniques.
En proclamant son indépendance sans en passer par l'ONU, mais en en appelant directement à la reconnaissance des Etats-Unis et des autres pays de la communauté internationale, le Kosovo engage une épreuve de force avec la Serbie -ulcérée par la perte imminente d'une partie de son territoire- et la Russie qui a mis en garde contre ce qu'elle considère comme un dangereux précédent susceptible d'encourager tous les groupes séparatistes du monde.
Le Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaci, ancien chef de l'Armée de libération du Kosovo dont les guérilleros albanais ont affronté les troupes serbes dans un conflit (1998-1999) qui a fait 10.000 morts, doit convoquer dimanche après-midi une session extraordinaire du Parlement pour proclamer la République du Kosovo.
"Tout est prêt"
A la veille de l'accès de l'actuelle province serbe à l'indépendance, Thaci a évoqué "un jour historique dans notre effort pour créer un Etat".
"Nous sommes en train d'accéder à notre indépendance", a-t-il déclaré samedi soir lors d'une allocution télévisée à la nation. "Tout est prêt. La carte du monde est sur le point de changer."
Côté serbe, la colère gronde. Quelque 1.000 personnes ont bruyamment manifesté à Belgrade samedi, agitant des drapeaux serbes et scandant: "Le Kosovo est le coeur de la Serbie."
Officiellement, le Kosovo restait jusque-là un territoire appartenant à la Serbie, même si depuis la fin de la guerre en 1999, il est administré par les Nations unies et l'OTAN. La province est toujours sous la protection de 16.000 soldats de maintien de la paix sous égide onusienne. L'alliance a d'ailleurs multiplié les patrouilles ce week-end dans l'espoir de décourager les violences. Des forces de police internationales se sont par ailleurs déployées dans le nord de la province, une zone particulièrement tendue, en renfort des effectifs policiers locaux.
En direct à la télévision
Les instances représentatives des Albanais du Kosovo sont restées avares de détails sur le déroulement de la cérémonie de dimanche, mais Thaci devait rencontrer le président du Parlement en milieu de matinée pour demander officiellement la convocation d'une session spéciale. Une déclaration d'indépendance devrait être lue à haute voix dans l'hémicycle avant adoption par les députés. La séance sera retransmise en direct à la télévision.
Le président du Parlement, Jakup Krasniqi, devrait ensuite proclamer le Kosovo indépendant de la Serbie et les députés voteront pour adopter le nouveau drapeau de la nation.
L'Orchestre philharmonique du Kosovo a prévu de jouer l"'Hymne à la Joie" de Beethoven dans un gymnase où les hauts responsables du Kosovo se rassembleront pour y prononcer des discours et y porter des toasts. Des feux d'artifice et un concert en plein air sont prévus plus tard dans la soirée.
Samedi soir, pour la deuxième nuit consécutive, des Kosovars ivres de bonheur ont spontanément fait la fête dans les rues, agitant des drapeaux albanais rouge et noir et klaxonnant au volant de leurs voitures.
"Ca va être un jour joyeux", s'est réjoui Besnik Berisha, un habitant de Pristina, la capitale du Kosovo. "La ville est prête et la fête peut commencer."
Reconnaissance lundi
Quelque 90% des deux millions de personnes qui vivent au Kosovo sont d'origine albanaise -la plupart sont des musulmans modérés ou non pratiquants, les autres sont catholiques- et ils ne voient aucune raison de rester liés à la Serbie orthodoxe.
Sachant la Russie, fidèle alliée de la Serbie, déterminée à bloquer la tentative d'indépendance, le Kosovo attend des Etats-Unis et des grandes puissances européennes une rapide reconnaissance de son statut de nouveau pays du continent européen. Cette reconnaissance devrait intervenir dès lundi, lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne à Bruxelles.
Le président russe Vladimir Poutine a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU d'intervenir pour invalider cette déclaration d'indépendance qui, parce qu'elle contourne les Nations unies, risque de constituer, selon lui, un dangereux précédent pour les minorités de toute l'ancienne Union soviétique et du monde entier.
Le gouvernement serbe a exclu toute réponse militaire dans son "plan d'action" secret rédigé au début de la semaine, mais il a prévenu qu'il reverrait ses relations avec tout gouvernement étranger qui reconnaîtra l'indépendance du Kosovo. (AP)